La contraction de texte

I. Qu’est-ce que la contraction de texte ?

La contraction de texte est l’un des exercices du baccalauréat pour les séries technologiques. Cet exercice est associé à l’essai. Elle compte pour 10 points dans la note finale.

Dans les textes officiels: «La contraction de texte suivie d’un essai permet d’apprécier l’aptitude à reformuler une argumentation de manière précise, en en respectant l’énonciation, la thèse, la composition et le mouvement. Elle prend appui sur un texte relevant d’une forme moderne et contemporaine de la littérature d’idées. D’une longueur de mille mots environ, ce texte fait l’objet d’un exercice de contraction au quart, avec une marge autorisée de plus ou moins 10%. Le candidat indique à la fin de l’exercice le nombre de mots utilisés.»

Contracter un texte, c’est faire le résumé d’un texte argumentatif:
– en le réduisant au quart de sa taille initiale;
– en gardant la thèse, le thème,  le raisonnement logique et le style de l’auteur;
– en conservant l’énonciation;
– en proposant une reformulation synthétique (avec des mots différents).

La consigne sera du type: «Vous résumerez ce texte en 250 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise: votre travail comptera au moins 225 et au plus 275 mots.» Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots.

La méthode qui suit prendra appui sur l’extrait de la préface de La Folle Journée ou le Mariage de Figaro de Beaumarchais pour l’illustrer.

II. Lire et comprendre le texte

Il s’agit de définir:

  • Le thème: qu’évoque le texte?

Dans l’extrait de la préface de La Folle Journée ou le Mariage de Figaro, Beaumarchais aborde le rôle et les enjeux de la comédie en général.

  • La thèse: qu’en pense l’auteur?

Beaumarchais pense que la comédie doit avoir une dimension sociale et se ponctuer par une morale qui doit aboutir à une remise en question de la société.

  • La situation d’énonciation, la ponctuation, le registre littéraire: comment l’auteur s’exprime-t-il?

Beaumarchais parle en son nom propre en utilisant la première personne (du singulier et du pluriel). La ponctuation est très expressive: on retrouve de nombreux points d’exclamation et d’interrogation. Il utilise essentiellement les registres polémique et didactique. On note également quelques passages contenant un registre ironique.

  • Le raisonnement (arguments, exemples, connecteurs logiques): comment l’auteur développe-t-il son raisonnement? comment organise-t-il ses idées? Pour vous aider, vous pouvez donner un titre à chaque paragraphe (ce qui vous permettra de comprendre comment s’enchainent les idées de l’auteur), surligner les arguments, et barrer les exemples.
La «disconve-nance sociale» doit être le ressort principal du comique dans les comédies. J’ai pensé, je pense encore, qu’on n’obtient ni grand pathétique, ni profonde moralité, ni bon et vrai comique au théâtre, sans des situations fortes, et qui naissent toujours d’une disconvenance sociale, dans le sujet qu’on veut traiter. L’auteur tragique, hardi dans ses moyens, ose admettre le crime atroce : les conspirations, l’usurpation du trône, le meurtre, l’empoisonnement, l’inceste, dans Œdipe et Phèdre ; le fratricide, dans Vendôme ; le parricide, dans Mahomet ; le régicide, dans Macbeth, etc., etc. La comédie, moins audacieuse, n’excède pas les disconvenances, parce que ses tableaux sont tirés de nos mœurs ; ses sujets, de la société. Mais comment frapper sur l’avarice, à moins de mettre en scène un méprisable avare ? démasquer l’hypocrisie, sans montrer, comme Orgon, dans le Tartuffe, un abominable hypocrite, épousant sa fille et convoitant sa femme ? un homme à bonnes fortunes, sans le faire parcourir un cercle entier de femmes galantes ? un joueur effréné, sans l’envelopper de fripons, s’il ne l’est pas déjà lui-même ?
La comédie est proche de la fable dans son objectif de critique sociale. Tous ces gens-là sont loin d’être vertueux ; l’auteur ne les donne pas pour tels : il n’est le patron d’aucun d’eux, il est le peintre de leurs vices. Et parce que le lion est féroce, le loup vorace et glouton, le renard rusé, cauteleux, la fable est-elle sans moralité ? Quand l’auteur la dirige contre un sot que la louange enivre, il fait choir du bec du corbeau le fromage dans la gueule du renard, sa moralité est remplie ; s’il la tournait contre le bas flatteur, il finirait son apologue ainsi : Le renard s’en saisit, le dévore ; mais le fromage était empoisonné. La fable est une comédie légère, et toute comédie n’est qu’un long apologue : leur différence est que dans la fable les animaux ont de l’esprit, et que, dans notre comédie, les hommes sont souvent des bêtes, et, qui pis est, des bêtes méchantes.
L’auteur prend la défense de Molière en louant son travail calomnié par les critiques de son temps comme Boileau. Ainsi, lorsque Molière, qui fut si tourmenté par les sots, donne à l’Avare un fils prodigue et vicieux qui lui vole sa cassette et l’injurie en face, est-ce des vertus ou des vices qu’il tire sa moralité ? Que lui importent ces fantômes ? c’est vous qu’il entend corriger. Il est vrai que les afficheurs et balayeurs littéraires de son temps ne manquèrent pas d’apprendre au bon public combien tout cela était horrible ! Il est aussi prouvé que des envieux très importants, ou des importants très envieux, se déchaînèrent contre lui. Voyez le sévère Boileau, dans son épître au grand Racine, venger son ami qui n’est plus, en rappelant ainsi les faits : 

L’ignorance et l’erreur, à ses naissantes pièces,
En habits de marquis, en robes de comtesses,
Venaient pour diffamer son chef-d’œuvre nouveau,
Et secouaient la tête à l’endroit le plus beau.
Le commandeur voulait la scène plus exacte ;
Le vicomte, indigné, sortait au second acte :
L’un, défenseur zélé des dévots mis en jeu,
Pour prix de ses bons mots le condamnait au feu ;
L’autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre,
Voulait venger la cour, immolée au parterre. 

Même Louis XIV, pourtant son protecteur, n’a pas pris sa défense. On voit même dans un placet de Molière à Louis XIV, qui fut si grand en protégeant les arts, et sans le goût éclairé duquel notre théâtre n’aurait pas un seul chef-d’œuvre de Molière ; on voit ce philosophe auteur se plaindre amèrement au roi que, pour avoir démasqué les hypocrites, ils imprimaient partout qu’il était un libertin, un impie, un athée, un démon vêtu de chair, habillé en homme ; et cela s’imprimait avec APPROBATION ET PRIVILÈGE de ce roi qui le protégeait. Rien là-dessus n’est empiré.
La comédie n’est pas là pour dénoncer les travers et les ridicules des hommes, mais leurs vices afin de les corriger. Mais, parce que les personnages d’une pièce s’y montrent sous des mœurs vicieuses, faut-il les bannir de la scène ? Que poursuivrait-on au théâtre ? les travers et les ridicules ? cela vaut bien la peine d’écrire ! ils sont chez nous comme les modes : on ne s’en corrige point, on en change.
Les vices, les abus, voilà ce qui ne change point, mais se déguise en mille formes sous le masque des mœurs dominantes : leur arracher ce masque et les montrer à découvert, telle est la noble tâche de l’homme qui se voue au théâtre. Soit qu’il moralise en riant, soit qu’il pleure en moralisant, Héraclite ou Démocrite, il n’a pas un autre devoir : malheur à lui, s’il s’en écarte ! On ne peut corriger les hommes qu’en les faisant voir tels qu’ils sont. La comédie utile et véridique n’est point un éloge menteur, un vain discours d’académie.
L’auteur distingue la critique de la satire, insistant sur le caractère inoffensif de la première, et sur le caractère néfaste et violent de la seconde. Mais gardons-nous bien de confondre cette critique générale, un des plus nobles buts de l’art, avec la satire odieuse et personnelle : l’avantage de la première est de corriger sans blesser. Faites prononcer au théâtre par l’homme juste, aigri de l’horrible abus des bienfaits, tous les hommes sont des ingrats ; quoique chacun soit bien près de penser comme lui, personne ne s’en offensera. Ne pouvant y avoir un ingrat sans qu’il existe un bienfaiteur, ce reproche même établit une balance égale entre les bons et les mauvais cœurs ; on le sent, et cela console. Que si l’humoriste répond qu’un bienfaiteur fait cent ingrats, on répliquera justement qu’il n’y a peut-être pas un ingrat qui n’ait été plusieurs fois bienfaiteur : et cela console encore. Et c’est ainsi qu’en généralisant, la critique la plus amère porte du fruit sans nous blesser ; quand la satire personnelle, aussi stérile que funeste, blesse toujours et ne produit jamais. Je hais partout cette dernière, et je la crois un si punissable abus, que j’ai plusieurs fois d’office invoqué la vigilance du magistrat pour empêcher que le théâtre ne devînt une arène de gladiateurs, où le puissant se crût en droit de faire exercer ses vengeances par les plumes vénales, et malheureusement trop communes, qui mettent leur bassesse à l’enchère.
La dimension critique des pièces de théâtre dérange davantage car elle touche plus de monde. N’ont-ils donc pas assez, ces grands, des mille et un feuillistes, faiseurs de bulletins, afficheurs, pour y trier les plus mauvais, en choisir un bien lâche, et dénigrer qui les offusque ? On tolère un si léger mal, parce qu’il est sans conséquence, et que la vermine éphémère démange un instant et périt ; mais le théâtre est un géant qui blesse à mort tout ce qu’il frappe. On doit réserver ses grands coups pour les abus et pour les maux publics.
La comédie doit entraîner une morale pour éviter toute équivoque. Ce n’est donc ni le vice, ni les incidents qu’il amène, qui font l’indécence théâtrale ; mais le défaut de leçons et de moralité. Si l’auteur, ou faible ou timide, n’ose en tirer de son sujet, voilà ce qui rend sa pièce équivoque ou vicieuse.

III. Le travail de préparation au brouillon

A. Ce qu’il faut conserver

Vous devez veiller à rester objectif, fidèle aux idées de l’auteur. Vous ne devez en dire ni plus, ni moins que ce qu’il avance.

Vous devez vous mettre à la place de l’auteur. Vous ne pouvez pas commencer par une phrase du type : «Dans ce texte, l’auteur dit que…».

Texte de Beaumarchais: «J’ai pensé, je pense encore, qu’on n’obtient ni grand pathétique, ni profonde moralité, ni bon et vrai comique au théâtre, sans des situations fortes, et qui naissent toujours d’une disconvenance sociale, dans le sujet qu’on veut traiter. L’auteur tragique, hardi dans ses moyens, ose admettre le crime atroce: les conspirations, l’usurpation du trône, le meurtre, l’empoisonnement, l’inceste, dans Œdipe et Phèdre; le fratricide, dans Vendôme; le parricide, dans Mahomet; le régicide, dans Macbeth, etc., etc. La comédie, moins audacieuse, n’excède pas les disconvenances, parce que ses tableaux sont tirés de nos mœurs; ses sujets, de la société.»

Proposition de contraction n°1: «Dans ce texte, Beaumarchais dit que la comédie doit reposer sur un contraste entre ce que sont les personnages et les actes qu’ils commettent, ce qui, contrairement à la tragédie qui présente des situations délictueuses sans retenue, n’est pas toujours le cas.»
=> Ce paragraphe n’est pas pertinent, car la situation d’énonciation n’est pas respectée. C’est le propos de celui qui rédige la contraction.

Proposition de contraction n°2: «Selon moi, la comédie doit reposer sur un contraste entre ce que sont les personnages et les actes qu’ils commettent, ce qui, contrairement à la tragédie qui présente des situations délictueuses sans retenue, n’est pas toujours le cas.»
=> Ce paragraphe est pertinent. Le pronom personnel «moi» renvoie bien à Beaumarchais.

Vous devez respecter la situation d’énonciation. Si l’auteur s’exprime à la première personne du singulier, vous devez rédiger votre texte à la première personne du singulier. Vous devez être fidèle au système de temps utilisé (présent ou passé), ainsi qu’à la ponctuation forte (points d’exclamation, points d’interrogation, deux points, points de suspension).

Texte de Beaumarchais: «Ainsi, lorsque Molière, qui fut si tourmenté par les sots, donne à l’Avare un fils prodigue et vicieux qui lui vole sa cassette et l’injurie en face, est-ce des vertus ou des vices qu’il tire sa moralité? Que lui importent ces fantômes? c’est vous qu’il entend corriger. Il est vrai que les afficheurs et balayeurs littéraires de son temps ne manquèrent pas d’apprendre au bon public combien tout cela était horrible! Il est aussi prouvé que des envieux très importants, ou des importants très envieux, se déchaînèrent contre lui.»

Proposition de contraction: «Molière tire-t-il ses enseignements des défauts ou des qualités des hommes ? Derrière ses personnages, c’est vous dont il veut corriger les vices, malgré l’opposition farouche des critiques littéraires!»

Vous devez conserver la progression de l’argumentation. Les idées doivent être reprises dans l’ordre dans lequel l’auteur les a formulées. Les connecteurs logiques et chronologiques doivent être gardés (ou remplacés par des synonymes).

B. Ce qu’il faut réduire ou supprimer

Vous devez supprimer les exemples illustratifs et les citations.

Vous devez supprimer les digressions et les parenthèses.

Vous devez supprimer les reprises et les redites.

C. Ce qu’il faut reformuler

Pour certaines énumérations, il peut être judicieux d’utiliser un terme générique.

Texte de Beaumarchais: «pour avoir démasqué les hypocrites, ils imprimaient partout qu’il était un libertin, un impie, un athée, un démon vêtu de chair, habillé en homme»

Proposition de contraction: «face aux calomnies des courtisans»

Cette reformulation permet d’économiser 10 mots.

Autre exemple extrait des Essais de Montaigne: «Les paroles mêmes, qui signifient le mensonge, la trahison, la dissimulation, l’avarice, l’envie, la détraction, le pardon [sont] inouïes.»

Proposition de contraction: «On n’y entend aucune perfidie

Cette reformulation permet d’économiser 18 mots.

Un groupe de mots peut être remplacé par un mot unique.

Texte extrait des Essais de Montaigne: «[Les fruits] que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l’ordre commun»

Proposition de contraction: «[Les fruits] que nous avons dénaturés»

Cette reformulation permet d’économiser 9 mots.

«Une décision sur laquelle on ne revient pas»

Proposition de contraction: «Une décision irrévocable»

Cette reformulation permet d’économiser 5 mots.

«Vous ne pouvez pas agir de façon si peu objective

Proposition de contraction: «Vous ne pouvez pas agir si partialement

Cette reformulation permet d’économiser 3 mots.

Une seule phrase (simple ou complexe) peut rendre compte de plusieurs phrases du texte.

Texte de Beaumarchais: «On voit même dans un placet de Molière à Louis XIV, qui fut si grand en protégeant les arts, et sans le goût éclairé duquel notre théâtre n’aurait pas un seul chef-d’œuvre de Molière; on voit ce philosophe auteur se plaindre amèrement au roi que, pour avoir démasqué les hypocrites, ils imprimaient partout qu’il était un libertin, un impie, un athée, un démon vêtu de chair, habillé en homme; et cela s’imprimait avec APPROBATION ET PRIVILÈGE de ce roi qui le protégeait. Rien là-dessus n’est empiré.»

Proposition de contraction: «Même Louis XIV, premier soutien de Molière et des arts en général, ne l’a pas défendu face aux calomnies des courtisans.»

Un verbe peut à lui seul rendre compte d’une relation logique.

Un signe de ponctuation peut rendre compte d’une articulation logique (les deux points peuvent exprimer la cause ou la conséquence en fonction du contexte).

IV. La rédaction du devoir

À partir de votre brouillon, vous pouvez désormais rédiger intégralement votre devoir, en prenant soin de respecter les étapes de l’argumentation de l’auteur, en maintenant les paragraphes du texte source.

V. La relecture

Vous devez vous assurer que vous avez correctement respecté la consigne au niveau du nombre de mots.

«On entend par «mot» une unité typographique signifiante. «c’est-à-dire» correspond à quatre mots, mais certains mots composés, comportant des éléments n’ayant pas de signification propre, sont comptés comme un seul mot. C’est le cas par exemple pour «socio-culturel» ou «aujourd’hui». On compte également pour un mot une date, un chiffre, un nom propre, un pourcentage.» (programme de Français 2019)

Il faut donc compter tous les mots dans le texte que vous avez produit, et insérer une barre oblique ( / ) tous les 50 mots.

N’oubliez pas de corriger les éventuelles erreurs d’orthographe et de syntaxe.

Vous pouvez accéder ici à la contraction de texte intégralement rédigée de l’extrait de la préface de La Folle Journée ou le Mariage de Figaro de Beaumarchais.

Exemple de contraction de texte dans les programmes officiels de Français.