Pommerat, Cendrillon – Première partie, scène 10

Scène 10

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La  belle-mère (à ses filles). Alors voilà, j’ai réfléchi à une juste répartition parce que c’est important évidemment que tout ça soit juste et équitable, évidemment. 

Le père. Évidemment.

La belle-mère (consultant son papier, à ses filles). Alors voilà, tout d’abord, en ce qui vous concerne, j’ai pensé que vous deux vous pourriez à partir de maintenant aider la femme de ménage à ranger votre linge propre dans les tiroirs de vos armoires.

Les deux sœurs (surprises). Ah bon?

La belle-mère (fermement). Oui, c’est comme ça. (À la très jeune fille.) Et toi Sandra, j’ai pensé que tu pourrais aider la femme de ménage à changer les poubelles des différents sanitaires, salles de bains, buanderie, cuisine et aider à porter tout ça ensuite dans le local à poubelle du jardin. Tu es d’accord?

La très jeune fille. Changer les poubelles? Oui je sui d’accord! Ah oui, c’est très bien ça.

Le père. Voilà très bien… c’est gentil! Ne t’inquiète pas, elle est simple et gentille, Sandra.

La très jeune fille (à son père). Qu’est-ce que tu racontes toi? Je suis pas du tout gentille! Si les gens pouvaient voir comment je suis vraiment en vrai, i’diraient pas que je suis gentille!

Le père. Tais-toi s’il te plaît Sandra, arrête de dire n’importe quoi.

La  belle-mère. Bon, très bien, ensuite je propose que vous les filles, vous aidiez la femme de ménage pendant qu’elle s’occupe de la cuisine. 

Les deux sœurs. Ah bon?  

La belle-mère. oui.  

Sœur la petite. C‘est pas des tâches comme ça qu’on faisait avant.  

Sœur la grande. Mais c’est dégoûtant d’aller à la cuisine, c’est plein de gras, on t’a déjà dit qu’on aimait pas faire ça, la graisse incrustée dans le four par exemple, ça donne envie de vomir tellement c’est dégueulasse. 

La belle-mère. Hé bien, on discute pas. (La très jeune fille lève la main).  Oui quoi ? 

La très jeune fille. Si ça leur pose un problème à elle, je crois que je vais bien aimer ça, de nettoyer le gras de la cuisinière, racler le gras du four, je crois que je vais aimer ça. Ça va me faire du bien de faire ça. En plus la graisse et le gras dans le four, je les ai déjà faits une fois… C’est vraiment dégoûtant. Ma mère était sortie, je sais pas pourquoi je m’étais mise à le faire, ma mère en rentrant elle m’avait dit…  

Le père (avec un geste en direction de sa fille). Arrête!  

La très jeune fille (ne pouvant s’empêcher de raconter). Elle était fort énervée ce jour-là…

(Le père fait signe à sa fille de se taire. Elle se tait puis elle reprend.) 

C’était rare pourtant qu’elle s’énerve ma mère...

Le père fait un geste de menace à sa fille.

La belle-mère (explosant à la très jeune fille). Mais qu’est-ce qu’on t’a dit tout à l’heure?! On ne parle plus de ta mère ici, on en parle plus! Plus jamais! On s’en fout de ta mère! On s’en fout qu’elle était gentille! Ça suffit avec ta mère! Ça suffit ! Ça suffit ! 

Le père. Qu’est-ce qu’on t’a dit tout à l’heure, Sandra! 

La très jeune fille . Ah oui, c’est vrai! J’avais oublié. 

Un temps. La montre de la très jeune fille se met à sonner. Même musique que d’habitude.

La belle-mère (à la très jeune fille, avec une colère froide). Tu vas t’occuper de la cuisine ! Racler la cuisinière! Et le four aussi! T’occuper du gras dans la cuisine! 

La très jeune fille (comme satisfaite). Merci! Très bien.

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