Les accords entre le sujet et le verbe

I. Qu’est-ce qu’un groupe verbal?

Un groupe verbal est un groupe de mots dont le noyau est un verbe conjugué. Il ne peut y avoir qu’un seul verbe conjugué par groupe verbal.

II. L’accord du verbe

a. L’accord du verbe aux temps simples

Le verbe conjugué aux temps simples s’accorde en personne et en nombre avec le sujet auquel il se rattache.

«Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature» (Rousseau, Les Confessions)

«Tu n’es ni triste ni bouleversé. Tu te sens simplement bizarre.» (Juliet, Lambeaux)

«Un soir que la fenêtre était ouverte, et que, assise au bord, elle venait de regarder Lestiboudois, le bedeau, qui taillait le buis, elle entendit tout à coup sonner l’Angelus.» (Flaubert, Madame Bovary)

«Nous mourons tous, disait cette femme dont l’Écriture a loué la prudence au second livre des Rois, et nous allons sans cesse au tombeau, ainsi que des eaux qui se perdent sans retour.» (Bossuet, «Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre»)

«— Ah ! c’est vrai, vous ne prenez pas le même train que nous, vous êtes privilégiés, vous serez rendus pour le déjeuner.» (Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs)

«Ils visitèrent, ce matin-là, Sainte-Marie-Nouvelle» (France, Le Lys rouge)

b. L’accord du verbe aux temps composés

Aux temps composés, l’auxiliaire (être ou avoir) suit les mêmes règles d’accord avec le sujet que le verbe conjugué aux temps simples.

Le participe passé connait différentes règles d’accord:

  • Pour les verbes non pronominaux:
    • Avec l’auxiliaire «être», le participe passé s’accorde en genre en en nombre avec le sujet du verbe.

«Je suis née l’année du couronnement de Napoléon, l’an XII de la République française (1804).» (Sand, Histoire de ma vie)
=> L’auteur qui écrit est une femme: l’accord se fait donc au féminin singulier.

«il s’était assuré si souvent que ses barreaux étaient bien scellés, que ce n’était plus même la peine d’essayer à les ébranler.» (Dumas, Le Comte de Monte-Cristo)

    • Avec l’auxiliaire «avoir», le participe passé s’accorde en genre et en nombre avec le C.O.D. uniquement si celui-ci est placé avant le verbe.

«Nous avons mangé de la soupe, du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade anglaise. Les enfants ont bu de l’eau anglaise.» (Ionesco, La Cantatrice chauve)

«À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.» (Baudelaire, Les Fleurs du mal, «L’albatros»)

  • Pour les verbes pronominaux (qui se conjuguent avec l’auxiliaire «être»), le participe passé s’accorde en genre et en nombre avec le C.O.D. uniquement si celui-ci est placé avant le verbe.

«Puis, toute frissonnante d’être restée en camisole à l’air vif de la fenêtre, elle s’était assoupie, jetée en travers du lit, fiévreuse, les joues trempées de larmes.» (Zola, L’Assommoir)

«Quand tous ces fleuves se sont gonflés des déluges de l’hiver, quand les tempêtes ont abattu des pans entiers de forêts, les arbres déracinés s’assemblent sur les sources.» (Chateaubriand, Atala)

«Les matérialistes se sont donné la peine de réviser les procès de la magie d’antan.» (Huysmans, Là-bas)

  • Pour les verbes à la voix passive (qui se conjuguent avec l’auxiliaire «être»), les règles d’accord sont les mêmes que pour les verbes non pronominaux avec l’auxiliaire «être».

«Nous étions harassés» (Gautier, Contes humoristiques, «La cafetière»)

«Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes; aussi avons-nous des lunettes.» (Voltaire, Candide)

c. L’inversion sujet-verbe

Outre dans des cas répandus comme les phrases interrogatives ou les propositions incises, le cas de l’inversion sujet-verbe peut poser des difficultés d’accord. Il faut bien identifier le sujet du verbe pour l’accorder correctement. On trouve cette inversion notamment dans des phrases construites avec l’adverbe «peut-être», lorsque le complément est placé avant le verbe ou encore dans la construction de certaines propositions subordonnées.

«Peut-être ne faudrait-il pas insister, avec certains d’entre eux, pense souvent Marietta.» (Calvez, Celui qui venait du froid)

«Dans la race humaine, il me faisait l’effet de ce que sont les bêtes puantes chez les animaux.» (Maupassant, Contes et nouvelles, «Le garde»)

«Tels sont les noms divers que prennent légalement et successivement ceux que le peuple appelle génériquement des criminels.» (Balzac, Illusions perdues)

«Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas» (Aragon, La Diane française, «La rose et le réséda»)

d. Le pronom personnel «on»

Le pronom personnel «on» peut parfois équivaloir au pluriel «nous». Dans ce cas, c’est un pronom singulier à valeur de pluriel. Aux temps simples, il se conjugue sur le modèle de la troisième personne du singulier. Aux temps composés, le participe passé peut s’accorder au singulier ou au pluriel.

«Quand on est rentrés chez l’Artisse, Barbier était là avec sa mitraillette.» (Fallet, La Grande Ceinture)

«Rappelle-toi, me dit-il entre deux bouffées de pipe, quand toi et moi on est parti…» (Vercel, Capitaine Conan)

e. Le voussoiement

À l’inverse, le voussoiement utilise un pronom pluriel qui désigne parfois une seule personne. Aux temps simples, il suit la conjugaison de la deuxième personne du pluriel. Aux temps composés des verbes se conjuguant avec l’auxiliaire «être» ainsi qu’à la voie passive, le participe passé s’accorde en genre et en nombre avec la ou les personnes désignées.

«Ah Dieux! m’écriai-je, vous pleurez, ma chère Manon: vous êtes affligée jusqu’à pleurer, et vous ne me dites pas un seul mot de vos peines!» (Prévost, Manon Lescaut)

«J’ai passé deux fois chez vous, mon cher Chevalier: mais depuis que vous avez quitté le rôle d’amant pour celui d’homme à bonnes fortunes, vous êtes, comme de raison, devenu introuvable.» (Laclos, Les Liaisons dangereuses)

f. Accord avec plusieurs sujets

En règle générale, le verbe qui compte plusieurs sujets coordonnés ou juxtaposés s’accorde au pluriel.

«Sur la route, Marthe et moi marchions en tête.» (Radiguet, Le Diable au corps)

«Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes, madame de Rênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de la porte d’entrée la figure d’un jeune paysan presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer.» (Stendhal, Le Rouge et le Noir)

«Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine!» (Verlaine, Jadis et naguère, «Art poétique»)

«Les anciens ont peu connu cette inquiétude secrète, cette aigreur des passions étouffées qui fermentent toutes ensemble: une grande existence politique, les jeux du gymnase et du champ de Mars, les affaires du forum et de la place publique, remplissaient tous leurs moments, et ne laissaient aucune place aux ennuis du cœur.» (Chateaubriand, Le Génie du christianisme)

Quand plusieurs noms sont repris par un mot générique comme «personne», «tout» ou «rien», l’accord se fait au singulier

«Remords, crainte, péril, rien ne m’a retenue» (Racine, Britannicus)

«Compte ce qui sort, un jour de fête seulement, du quartier Saint-Jacques: les bataillons de modistes, les armées de lingères, les nuées de marchandes de tabac; tout cela s’amuse, tout cela a ses amours, tout cela va s’abattre autour de Paris, sous les tonnelles des campagnes, comme des volées de friquets.» (Musset, Mimi Pinson)

Lorsque plusieurs sujets sont reliés par la conjonction de coordination «ou», on observe différentes règles d’accord:

  • Si l’idée d’exclusion de l’un des deux sujets domine, le verbe reste au singulier.

«Le père ou la mère doit signer le carnet scolaire (l’un des deux seulement).»

«Ce n’est point que le vrai saisisse son esprit; c’est que Bayle ou Voltaire ou Jean-Jacques l’a dit.» (Chénier, Épîtres)

  • Si l’idée de conjonction des deux sujets domine (les deux sujets pouvant concourir à l’action), le verbe peut se mettre au pluriel.

«Son père ou sa mère viendront (l’un ou l’autre, au choix, ou même les deux).»

«Beethoven ou Mozart furent souvent mes discrets confidents.» (Balzac, La Peau de chagrin)

  • Lorsque les sujets ne sont pas à la même personne ou que l’un des deux est un pronom personnel, le verbe s’accorde en genre, en nombre et en personne avec le sujet qui a la priorité.

«Vous ou moi, nous ferons telle chose.»

«C’est Louise de Trailles, ou moi — je ne sais plus — qui versais le poison.» (Bernanos, Madame Dargent)

(source TLFi)

g. Accord avec des noms collectifs au singulier

Avec des noms collectifs au singulier comme «un ensemble de», «un tas de», «une foule de»…, l’accord peut se faire au singulier ou au pluriel en fonction de la logique de sens.

«Mais, s’il est d’autant plus difficile à un aveugle-né, qui voit pour la première fois, de bien juger des objets selon qu’ils ont un plus grand nombre de formes, qui l’empêcherait de prendre un observateur tout habillé et immobile dans un fauteuil placé devant lui pour un meuble ou pour une machine, et un arbre dont l’air agiterait les feuilles et les branches, pour un être se mouvant, animé et pensant? Madame, combien nos sens nous suggèrent de choses; et que nous aurions de peine, sans nos yeux, à supposer qu’un bloc de marbre ne pense ni ne sent!» (Diderot, Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient)

«D’ailleurs, ma grand’mère avait toujours veillé sur moi avec une délicatesse trop timorée pour que je ne crusse pas que l’ensemble des choses qu’on ne doit pas faire est indivisible et que des jeunes filles qui manquent de respect à la vieillesse fussent tout d’un coup arrêtées par des scrupules quand il s’agit de plaisirs plus tentateurs que de sauter par-dessus un octogénaire.» (Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs)

«Une nuée de servantes, brossant, frottant, épongeant, essuyant, a envahi les chambres, et en moins d’une heure la maison a été lavée» (Hugo, Le Rhin)

«Nous nous armons tous de nos frondes, nous lançons avec adresse une nuée de pierres qui détachent le fruit de l’écorce entr’ouverte, et le font tomber à nos pieds.» (Lamartine, Confidences)

«Le docteur voulut d’abord ôter le masque et reconnut qu’il était attaché d’une façon compliquée avec une multitude de menus fils de métal, qui le liaient adroitement aux abords de sa perruque et enfermaient la tête entière dans une ligature solide dont il fallait avoir le secret.» (Maupassant, Contes et nouvelles, «Le masque»)

«Un rayon de soleil faisait briller le tas de poissons qui s’agitaient encore.» (Maupassant, Mademoiselle Fifi, «Deux amis»)

h. Accord avec un groupe nominal débutant par «chaque»

Avec le déterminant «chaque», le verbe s’accorde au singulier.

«Chaque génération à son tour est au haut de l’arbre, voit tout le pays au-dessous et n’a que le ciel au-dessus d’elle.» (Sainte-Beuve, Pensées et maximes)