Le registre burlesque

Étymologie:

Le mot «burlesque» est emprunté à l’italien burlesco qui signifie «burlesque», lui-même dérivé de burla signifiant «farce». (source: Trésor de la Langue française informatisé)

Définition:

Le registre burlesque vise à susciter le rire du lecteur en présentant un sujet sérieux de façon familière ou triviale.

Caractéristiques d’écriture:

Genres privilégiés:

  • La comédie;
  • La farce.

Exemples:

  • Meilhac et Halévy, La Belle Hélène, «Acte I, scène 11»
AGAMEMNON.– Nous commençons sans perdre une minute… Peuples de la Grèce, écoutez la charade… Roi Ménélas, veuillez en donner lecture.
MÉNÉLAS, recevant des mains d’Agamemnon un pli cacheté et se levant.De grand cœur.
AGAMEMNON, pendant que Ménélas brise le cachet.Vous voyez, messieurs, les cachets sont intacts.
Il se rassied.
MÉNÉLAS, lisant.CHARADE.
Mon premier se donne au malade…
ACHILLE, triomphant.«Se donne au malade…» je sais ce que c’est! je sais ce que c’est!
VOIX NOMBREUSES.– N’interrompez pas! n’interrompez pas!
AGAMEMNON, légèrement gouailleur.Vous savez ce que c’est?
ACHILLE.– Pardieu, oui!… ce n’est pas difficile… «se donne au malade…»
Mouvements divers.
AGAMEMNON.– C’est de mauvais goût ce que vous dites… et puis, ce n’est pas ça du tout!… reprenez, roi Ménélas.
MÉNÉLAS, lisant.Mon premier se donne au malade;
Mon deuxième, c’est vous ou moi…
Le troisième de ma charade
Convient aux gens de qui l’emploi
Est d’aller, quand la nuit arrive,
Partout ramasser les haillons,
              Les chiffons.
La Foule, d’un seul cri.Hotte! hotte! hotte!
AGAMEMNON, se levant.Eh bien! Oui… le troisième c’est hotte!… Allons, l’abrutissement n’est pas aussi complet que nous pouvions le croire… continuez, roi Ménélas!
Il se rassied.
MÉNÉLAS, continuant.– Mon quatrième est une rive
Où manque l’air absolument.
Mon tout par les chemins s’en va comme le vent.
J’ai dit.
Silence. Il se rassied.
AGAMEMNON.– Eh bien, allez-y, jeunes athlètes!
AJAX PREMIER.– Anecdotique!
AJAX DEUXIÈME.– Emmailloté!
ACHILLE.– Gibelotte!
Ils répètent ces mots tous les trois ensemble.
AGAMEMNON.– Voyons… voyons… procédons par ordre… Qui est-ce qui a dit: «anecdotique»?
AJAX PREMIER.– Moi, Ajax premier.
AGAMEMNON. Comment expliquez-vous?… âne, d’abord?
AJAX PREMIER.– Eh bien! le roi Ménélas a dit: «c’est vous ou moi!»
MÉNÉLAS, à Agamemnon.Il va un peu loin!…
AGAMEMNON, avec bonhomie.Vous auriez peut-être raison, s’il s’agissait de la deuxième syllabe, mais il s’agit de la première: «se donne au malade…» (Regardant Ajax premier qui s’avance.) Pauvre homme!… (Ajax deuxième fait reculer Ajax premier.) Passons à un autre!… Qui a dit: «emmailloté»?
AJAX DEUXIÈME.– Moi, mais je le retire…
AGAMEMNON.– Eh bien, si j’ai un conseil à donner à celui qui a dit: «gibelotte», c’est d’en faire autant!
ACHILLE.– Cela vaudrait la peine d’être discuté… car, enfin, il y a hotte, dans «gibelotte», il y a hotte!
Murmures.
AGAMEMNON.– Allons, à de plus malins!… Eh bien! Personne?…
Chacun cherche, la tête dans ses mains. À ce moment, Pâris sort de la foule.
HÉLÈNE, avec un cri, se levant.Ah!… lui!…
AGAMEMNON, se levant aussi.– Quoi, reine?
HÉLÈNE.– Regardez!
AGAMEMNON.– Un berger!… Que veux-tu, jeune berger?
PARIS, très simplement.Dire le mot de la charade.
ACHILLE.– Jeune présomptueux!…
AGAMEMNON.– Il est certain que cela serait d’un fâcheux exemple après que des rois… Parle, cependant, parle.
Il se rassied ainsi qu’Hélène.
PARIS.– Mon premier se donne au malade: loch
MÉNÉLAS, regardant sur le papier.Oui… oui!
PARIS.– Mon deuxième, c’est vous ou moi: homme!
MÉNÉLAS, de même.Oui! oui!
PARIS.– Le troisième de ma charade
Convient aux gens de qui l’emploi
Est de ramasser les chiffons…
ACHILLE, vivement.Hotte!…
AGAMEMNON.– Tout le monde l’a dit.
ACHILLE, à Pâris.Je t’attends au quatrième.
PARIS.– M’y voici!… Il est bête, le quatrième, mais il n’est pas difficile… une rive sans r… ive!… Lochhommehotteive.
ACHILLE, vivement.Locomotive!… j’ai trouvé!
PARIS.– Oui, locomotive… et c’est très fort d’avoir trouvé ça quatre mille ans avant l’invention des chemins de fer.
ACHILLE, triomphant.C’est moi qui l’ai dit!
AGAMEMNON, se levant.Achille, vous devenez insupportable!… Taisez-vous!… Le berger a gagné la première manche!
HÉLÈNE, à part.Vainqueur! Il est vainqueur!

.

  • En quoi cet extrait relève-t-il du registre burlesque?
    Dans cet extrait d’opérette créée à la fin du XIXe siècle, les rois de la Grèce antique participent à un concours d’intelligence organisé par Agamemnon. Ils doivent donc trouver la solution à une charade lue par Ménélas. Aucun des rois ne trouve la bonne réponse. C’est finalement le berger Paris qui triomphe. Ici, on trouve une parodie de la mythologie antique. Les rois Grecs, qui sont censés s’occuper de politique, s’amusent à jouer à des devinettes, dont la réponse est un moyen de transport qui n’existait même pas à cette époque. Le registre burlesque est donc bien présent dans cet extrait.
  • Rabelais, Gargantua, «Chapitre VI: Comment Gargantua naquit d’une façon bien étrange» (translation en français moderne de Guy Demerson)

Par suite de cet accident, les cotylédons de la matrice se relâchèrent au-dessus, et l’enfant les traversa d’un saut; il entra dans la veine creuse et, grimpant à travers le diaphragme jusqu’au-dessus des épaules, à l’endroit où la veine en question se partage en deux, il prit son chemin à gauche et sortit par l’oreille de ce même côté.

Sitôt qu’il fût né, il ne cria pas comme les autres enfants: «Mie! mie!», mais il s’écriait à haute voix: «À boire! à boire! à boire!» comme s’il avait invité tout le monde à boire, si bien qu’on l’entendit par tout le pays de Busse et de Biberais. J’ai bien peur que vous ne croyiez pas avec certitude à cette étrange nativité. Si vous n’y croyez pas, je n’en ai cure, mais un homme de bien, un homme de bon sens, croit toujours ce qu’on lui dit et ce qu’il trouve dans les livres. Est-ce contraire à notre loi et à notre foi, contraire à la raison et aux Saintes Écritures? Pour ma part, je ne trouve rien d’écrit dans la sainte Bible qui s’oppose à cela. Mais si telle avait été la volonté de Dieu, prétendriez-vous qu’il n’aurait pu le faire? Ah! de grâce, ne vous emberlificotez jamais l’esprit avec ces vaines pensées, car je vous dis qu’à Dieu rien n’est impossible et que, s’il le voulait, les femmes auraient dorénavant les enfants de la sorte, par l’oreille.

Bacchus ne fut-il pas engendré par la cuisse de Jupiter?

Rochetaillée ne naquit-il pas du talon de sa mère?

Croquemouche de la pantoufle de sa nourrice?

Minerve ne naquit-elle pas du cerveau de Jupiter, par l’oreille?

Adonis par l’écorce d’un arbre à myrrhe?

Castor et Pollux de la coquille d’un œuf pondu et couvé par Léda?

Mais vous seriez bien davantage ébahis et abasourdis si je vous exposais à présent tout le chapitre de Pline où il parle des enfantements étranges et contre nature; malgré tout, je ne suis pas un menteur aussi avéré que lui. Lisez le septième livre de son Histoire naturelle, chapitre III, et ne m’en tracassez plus le cerveau.

  • En quoi cet extrait relève-t-il du registre burlesque?

    Dans cet extrait, Rabelais raconte la naissance extraordinaire de Gargantua, qui finit par naître de l’oreille de sa mère à cause de la constipation de cette dernière. Il tente donc de tourner en dérision les croyances en comparant cette naissance à la fois à des passages de la mythologie (comme la naissance de Bacchus, de Minerve, d’Adonis ou encore de Castor et Pollux) et à des héros de fiction inventés de toute pièce (comme Rochetaillée ou Croquemouche). Il fait également référence à un ouvrage scientifique rédigé par Pline. Le côté burlesque de ce passage réside dans la dérision qu’il fait de thèmes sérieux et le fait de mélanger croyances, sciences, et fiction pour justifier de la véracité de la naissance de son héros.