Marot – «Du laid tétin»

Tétin qui n’as rien que la peau,
Tétin flac, tétin de drapeau,
Grand tétine, longue tétasse,
Tétin, dois-je dire besace?
Tétin au grand vilain bout noir
Comme celui d’un entonnoir,
Tétin qui brimbale à tous coups
Sans être ébranlé, ni secoux,
Bien se peut vanter qui te tâte
D’avoir mis la main à la pâte!
Tétin grillé, tétin pendant,
Tétin flétri, tétin rendant
Vilaine bourbe au lieu de lait.
Le diable te fait bien si laid!
Tétin pour tripe réputé,
Tétin, ce cuidé-je, emprunté,
Ou dérobé, en quelque sorte,
De quelque vieille chèvre morte;
Tétin propre pour en enfer
Nourrir l’enfant de Lucifer,
Tétin, boyau long d’une gaule,
Tétasse à jeter sur l’épaule,
Pour l’aire, tout bien compassé,
Un chaperon du temps passé.
Quand on te voit, il vient à maints
Une envie dedans les mains
De te prendre avec les gants doubles
Pour en donner cinq ou six couples
De soufflets sur le nez de celle
Qui te cache sous son aisselle!
Va, grand vilain tétin puant,
Tu fournirais bien, en suant,
De civettes et de parfums
Pour faire cent mille défunts!
Tétin de laideur dépiteuse,
Tétin dont nature est honteuse,
Tétin des vilains le plus brave,
Tétin dont le bout toujours bave,
Tétin fait de poix et de glu!
Bren, ma plume, n’en parlez plus.
Laissez-le là, ventre saint George,
Vous me feriez rendre ma gorge.