Le registre lyrique

Étymologie:

Le mot «lyrique» vient du latin d’époque impériale lyricus (dérivé du grec lyrikos) qui signifie «relatif à la lyre», dérivé de lyra qui signifie «lyre». (source: Trésor de la Langue française informatisé)

Définition:

Le registre lyrique repose sur l’expression des sentiments personnels ainsi que des émotions ressenties par un personnage ou un auteur. Il vise à émouvoir le lecteur.

Caractéristiques d’écriture:

  • Première personne du singulier;
  • Champ lexical des sentiments;
  • Phrases exclamatives et interrogatives.

Genres privilégiés:

  • La poésie;
  • La tragédie;
  • Le drame romantique.

Exemples:

  • Musset, Lorenzaccio, «Acte III, scène 3»

Lorenzo est le cousin du duc de Florence. Il se met à son service et se fait aimer de lui pour tenter de le tuer. Il s’adresse au chef des républicains, Philippe Strozzi, qui lutte contre le pouvoir tyrannique du duc, afin de lui révéler son projet.

LORENZO
Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre? Veux-tu donc que je m’empoisonne, ou que je saute dans l’Arno? veux-tu donc que je sois un spectre, et qu’en frappant sur ce squelette (Il frappe sa poitrine), il n’en sorte aucun son? Si je suis l’ombre de moi-même, veux-tu donc que je m’arrache le seul fil qui rattache aujourd’hui mon cœur à quelques fibres de mon cœur d’autrefois? Songes-tu que ce meurtre, c’est tout ce qui me reste de ma vertu? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur un mur taillé à pic, et que ce meurtre est le seul brin d’herbe où j’aie pu cramponner mes ongles? Crois-tu donc que je n’aie plus d’orgueil, parce que je n’ai plus de honte? et veux-tu que je laisse mourir en silence l’énigme de ma vie? Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage du vice pouvait s’évanouir, j’épargnerais peut-être ce conducteur de bœufs. Mais j’aime le vin, le jeu et les filles; comprends-tu cela? Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me parles, c’est mon meurtre que tu honores, peut-être justement parce que tu ne le ferais pas. Voilà assez longtemps, vois-tu, que les républicains me couvrent de boue et d’infamie; voilà assez longtemps que les oreilles me tintent, et que l’exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche; j’en ai assez d’entendre brailler en plein vent le bavardage humain; il faut que le monde sache un peu qui je suis et qui il est. Dieu merci! c’est peut-être demain que je tue Alexandre; dans deux jours j’aurai fini. Ceux qui tournent autour de moi avec des yeux louches, comme autour d’une curiosité monstrueuse apportée d’Amérique, pourront satisfaire leur gosier et vider leur sac à paroles. Que les hommes me comprennent ou non, qu’ils agissent ou n’agissent pas, j’aurai dit tout ce que j’ai à dire; je leur ferai tailler leur plume, si je ne leur fais pas nettoyer leurs piques, et l’humanité gardera sur sa joue le soufflet de mon épée marqué en traits de sang. Qu’ils m’appellent comme ils voudront, Brutus ou Erostrate, il ne me plaît pas qu’ils m’oublient. Ma vie entière est au bout de ma dague, et que la Providence retourne ou non la tête, en m’entendant frapper, je jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d’Alexandre; dans deux jours, les hommes comparaîtront devant le tribunal de ma volonté.

    • En quoi cet extrait relève-t-il du registre lyrique?
      Dans cette scène, le personnage de Lorenzo fait tomber le masque qu’il porte depuis le début de la pièce, celui du serviteur débauché du duc Alexandre, pour montrer qui il est réellement et confesser son projet d’assassiner le duc. Il va donc se laisser aller à des confidences en exprimant ses ressentis et ses sentiments vis-à-vis de la situation. Les nombreuses questions rhétoriques au début de l’extrait insistent sur sa révolte. Lorenzo apparait en colère et agacé par le monde qui l’entoure, ainsi que par les réactions des gens à son égard.