Le registre comique

Étymologie:

Le mot «comique» vient du latin comicus qui signifie «qui a rapport au théâtre, à la comédie». (source: Trésor de la Langue française informatisé)

Définition:

Le registre comique vise à susciter le rire du lecteur ou du spectateur. On distingue plusieurs types de comique :
– le comique de gestes: ce sont les gestes réalisés par les personnages qui amènent le rire (exemple: un valet qui frappe son maître);
– le comique de mots: le rire est suscité par des jeux sur les mots ou le langage (exemple: un calembour);
– le comique de situation: la situation dans laquelle se trouvent les personnages prête à rire (exemple: un quiproquo);
– le comique de caractère: le rire est provoqué par le caractère excessif et ridicule d’un personnage (exemple: un mari excessivement jaloux de sa femme sans raison valable);
– le comique de mœurs: il est souvent visible à l’échelle d’une œuvre dans son ensemble et vise à se moquer des habitudes et des coutumes propres à une époque donnée (exemple: la critique de la mode précieuse dans Les Précieuses ridicules de Molière).
Le comique de répétition peut quant à lui s’appliquer aux trois premiers types de comique présentés (gestes, mots ou situation).

Caractéristiques d’écriture:

Genres privilégiés:

  • La comédie;
  • La farce;
  • Le vaudeville;
  • Le drame romantique.

Exemples:

  • Molière, L’École des femmes, «Acte II, scène 5»

Arnolphe a élevé Agnès dans le but de l’épouser, en la coupant du monde pour qu’elle ne voie pas d’autres hommes, et éviter ainsi d’être trompé. Mais pendant l’absence d’Arnolphe, Agnès fait la rencontre de Horace avec qui elle discute. Arnolphe cherche à savoir ce qu’ils se sont dit.

ARNOLPHE
Oui. Mais que faisait-il étant seul avec vous?
AGNÈS
Il jurait qu’il m’aimait d’une amour sans seconde,
Et me disait des mots les plus gentils du monde,
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l’entends parler,
La douceur me chatouille et là dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis toute émue.
ARNOLPHE, à part.
Ô fâcheux examen d’un mystère fatal,
Où l’examinateur souffre seul tout le mal!
(À Agnès.)
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses?
AGNÈS
Oh tant! Il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n’était jamais las.
ARNOLPHE
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose?
(La voyant interdite.)
Ouf !
AGNÈS
            Hé! il m’a…
ARNOLPHE
                                Quoi?
AGNÈS
                                            Pris…
ARNOLPHE
                                                       Euh!
AGNÈS
                                                                 Le…
ARNOLPHE
                                                                         Plaît-il?
AGNÈS
                                                                                       Je n’ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
ARNOLPHE
Non.
AGNÈS
           Si fait.
ARNOLPHE
                      Mon Dieu, non!
AGNÈS
                                                   Jurez donc votre foi.
ARNOLPHE
Ma foi, soit.
AGNÈS
                         Il m’a pris… Vous serez en colère.
ARNOLPHE
Non.
AGNÈS
             Si.
ARNOLPHE
                     Non, non, non, non. Diantre, que de mystère!
Qu’est-ce qu’il vous a pris?
AGNÈS
                                                    Il…
ARNOLPHE, à part.
                                                            Je souffre en damné.
AGNÈS
Il m’a pris le ruban que vous m’aviez donné.
À vous dire le vrai, je n’ai pu m’en défendre.
ARNOLPHE, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S’il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.
AGNÈS
Comment? est-ce qu’on fait d’autres choses?
ARNOLPHE
Non pas.
                  Mais pour guérir du mal qu’il dit qui le possède,
N’a-t-il point exigé de vous d’autre remède?
AGNÈS
Non. Vous pouvez juger, s’il en eût demandé,
Que pour le secourir j’aurais tout accordé.
ARNOLPHE
Grâce aux bontés du Ciel, j’en suis quitte à bon compte:
Si j’y retombe plus, je veux bien qu’on m’affronte.

    • En quoi cet extrait relève-t-il du registre comique?
      Dans cette scène, le personnage d’Arnolphe est inquiet à l’idée qu’Agnès ait pu avoir une relation intime avec Horace durant son absence. Agnès, jeune fille naïve et ignorant les étapes de la séduction, n’ose pas avouer que Horace lui a pris un ruban qu’elle avait reçu en cadeau de la part d’Arnolphe. Il s’agit donc ici d’un quiproquo, car Arnolphe s’attend à une révélation très grave (Agnès aurait eu une relation avec Horace) alors qu’il s’agit simplement d’un fait peu important (la perte d’un ruban). Mais Agnès considère ce vol de ruban comme un fait très grave, comme en témoignent la didascalie «La voyant interdite.» et la difficulté qu’elle rencontre pour avouer l’incident à Arnolphe. Ce décalage crée un effet comique.
  • Marot, L’Adolescence clémentine, «Petite Epistre au Roy»

    En m’esbatant je faiz Rondeaux en rime,
    Et en rimant bien souvent je m’enrime:
    Brief, c’est pitié d’entre nous Rimailleurs,
    Car vous trouvez assez de rime ailleurs,
    Et quand vous plaist, mieulx que moy, rimassez,
    Des biens avez, et de la rime assez.
    Mais moy à tout ma rime, et ma rimaille
    Je ne soustiens (dont je suis marry) maille.
    Or ce me dist (ung jour) quelque Rimart,
    Viença Marot, trouves tu en rime art,
    Qui serve aux gens, toy qui a rimassé:
    Ouy vrayement (respondz je) Henri Macé.
    Car voys tu bien, la personne rimante,
    Qui au Jardin de son sens la rime ente,
    Si elle n’a des biens en rimoyant,
    Elle prendra plaisir en rime oyant:
    Et m’est advis, que si je ne rimoys,
    Mon pauvre corps ne seroit nourry moys,
    Ne demy jour. Car la moindre rimette
    C’est le plaisir, ou fault que mon rys mette.
    Si vous supply, qu’à ce jeune Rimeur
    Faciez avoir ung jour par sa rime heur.
    Affin qu’on die, en prose, ou en rimant,
    Ce Rimailleur, qui s’alloit enrimant,
    Tant rimassa, rima, et rimonna,
    Qu’il a congneu, quel bien par rime on a.

    • En quoi cet extrait relève-t-il du registre comique?
      Dans ce poème, Marot s’amuse à décliner toutes ses rimes autour du mot «rime». Il cherche donc à faire valoir ses qualités de poète afin de divertir le roi à qui cette épître est adressée, en utilisant un comique de mots.
  • Cervantès, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, «Livre premier, chapitre VIII» (traduction par Louis Viardot)

En ce moment, ils découvrirent trente ou quarante moulins à vent qu’il y a dans cette plaine, et, dès que Don Quichotte les vit, il dit à son écuyer: «La fortune conduit nos affaires mieux que ne pourrait y réussir notre désir même. Regarde, ami Sancho, voilà devant nous au moins trente démesurés géants, auxquels je pense livrer bataille et ôter la vie à tous tant qu’ils sont. Avec leurs dépouilles, nous commencerons à nous enrichir; car c’est prise de bonne guerre, et c’est grandement servir Dieu que de faire disparaître si mauvaise engeance de la face de la terre. — Quels géants? demanda Sancho Panza. — Ceux que tu vois là-bas, lui répondit son maître, avec leurs grands bras, car il y en a qui les ont de presque deux lieues de long. — Prenez donc garde, répliqua Sancho; ce que nous voyons là-bas ne sont pas des géants, mais des moulins à vent, et ce qui paraît leurs bras ce sont leurs ailes, qui, tournées par le vent, font tourner à leur tour la meule du moulin. — On voit bien, répondit Don Quichotte, que tu n’es pas expert en fait d’aventures: ce sont des géants, te dis-je; si tu as peur, ôte-toi de là, et va te mettre en oraison pendant que je leur livrerai une inégale et terrible bataille.» En parlant ainsi, il donna de l’éperon à son cheval Rossinante, sans prendre garde aux avis de son écuyer Sancho, qui lui criait qu’à coup sûr c’était des moulins à vent et non des géants qu’il allait attaquer. Pour lui, il s’était si bien mis dans la tête que c’étaient des géants que non-seulement il n’entendait point les cris de son écuyer Sancho, mais qu’il ne parvenait pas, même en approchant tout près, à reconnaître la vérité. Au contraire, et tout en courant, il disait à grands cris: «Ne fuyez pas, lâches et viles créatures, c’est un seul chevalier qui vous attaque.» Un peu de vent s’étant alors levé, les grandes ailes commencèrent à se mouvoir; ce que voyant Don Quichotte, il s’écria: «Quand même vous remueriez plus de bras que le géant Briarée, vous allez me le payer.» En disant ces mots, il se recommande du profond de son cœur à sa dame Dulcinée, la priant de le secourir en un tel péril; puis, bien couvert de son écu, et la lance en arrêt, il se précipite, au plus grand galop de Rossinante, contre le premier moulin qui se trouvait devant lui; mais, au moment où il perçait l’aile d’un grand coup de lance, le vent la chasse avec tant de furie qu’elle met la lance en pièces, et qu’elle emporte après elle le cheval et le chevalier, qui s’en alla rouler sur la poussière en fort mauvais état.

    • En quoi cet extrait relève-t-il du registre comique?
      Dans cet extrait, le personnage de Don Quichotte commet une erreur en prenant des moulins à vent pour des géants. Malgré les avertissements de son valet Sancho, il s’entête et reste campé sur son point de vue. Il se dirige donc vers les moulins pour se battre, comme s’il s’agissait d’êtres humains. Sa première attaque l’envoie rouler par terre. Don Quichotte prête à rire par son caractère buté qui le rend ridicule. Puis, on assiste à un comique de gestes lorsqu’il tombe par terre, vaincu par un moulin.