Le registre épique

Étymologie:

Le mot «épique» vient du latin classique epicus (lui-même emprunté au grec epikos) qui signifie «qui concerne l’épopée, qui relève de l’épopée», lui-même dérivé du grec epos qui signifie «parole». (sources: Trésor de la Langue française informatisé et Dictionnaire Larousse)

Définition:

Le registre épique vise à représenter les exploits héroïques des personnages, à mettre en avant leur courage et leur bravoure face aux épreuves qu’ils subissent.

Caractéristiques d’écriture:

  • Verbes d’action;
  • Vocabulaire mélioratif;
  • Hyperbole.

Genres privilégiés:

  • La tragédie;
  • La tragi-comédie;
  • Le roman;
  • Le drame romantique.

Exemples:

  • Hugo, Les Misérables

Au moment de l’insurrection populaire contre les troupes royales, des barricades sont dressées dans Paris. Du côté des insurgés, Gavroche, jeune garçon insouciant, aide ses camarades en allant chercher des balles sur les cadavres qui se trouvent sur le champ de bataille.

Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d’une borne, une balle frappa le cadavre.

— Fichtre! fit Gavroche. Voilà qu’on me tue mes morts.

Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui.

Une troisième renversa son panier.

Gavroche regarda, et vit que cela venait de la banlieue.

Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l’œil fixé sur les gardes nationaux qui tiraient, et il chanta:

On est laid à Nanterre,

C’est la faute à Voltaire,

Et bête à Palaiseau,

C’est la faute à Rousseau.

Puis il ramassa son panier, y remis, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient tombées, et, avançant vers la fusillade alla dépouiller une autre giberne. Là une quatrième balle le manqua encore. Gavroche chanta:

Je ne suis pas notaire,

C’est la faute à Voltaire,

Je suis petit oiseau,

C’est la faute à Rousseau.

Une cinquième balle ne réussit qu’à tirer de lui un troisième couplet:

Joie est mon caractère,

C’est la faute à Voltaire,

Misère est mon trousseau,

C’est la faute à Rousseau.

Cela continua ainsi quelque temps

Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l’air de s’amuser beaucoup. C’était le moineau becquetant les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en l’ajustant. Il se couchait, puis se redressait, s’effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez, et cependant pillait les cartouches, vidait les gibernes et remplissait son panier. Les insurgés, haletants d’anxiété, le suivaient des yeux. La barricade tremblait, lui, il chantait. Ce n’était pas un enfant, ce n’était pas un homme; c’était un étrange gamin fée. On eût dit le nain invulnérable de la mêlée. Les balles couraient après lui, il était plus leste qu’elles. Il jouait on ne sait quel jeu de cache-cache avec la mort; chaque fois que la face camarde du spectre l’approchait, le gamin lui donnait une pichenette.

    • En quoi cet extrait relève-t-il du registre épique?
      Dans cet extrait, Gavroche va aider ses camarades qui n’ont plus de munitions pour résister aux troupes royales. Il détrousse les cadavres situés entre les deux camps au péril de sa vie. Du haut de ses onze ans, son insouciance lui donne des allures de héros. La description que propose Victor Hugo ainsi que les comparaisons utilisées lui permettent de mettre les qualités de son personnage en évidence. Il n’a pas peur des balles adverses, et se permet même de narguer les troupes royales en chantant. Son courage ne sera toutefois pas récompensé car il finira par mourir d’une balle ennemie.