Le registre épidictique

Étymologie:

Le mot «épidictique» vient du latin classique epidicticus qui lui-même est emprunté au grec epidiktikos qui signifie «qui sert à montrer». (source: Trésor de la Langue française informatisé)

Définition:

Le registre épidictique consiste à développer une argumentation pour faire l’éloge de quelqu’un ou de quelque chose en mettant en valeur ses qualités, ou au contraire pour en faire le blâme en dénonçant ses défauts.

Caractéristiques d’écriture:

Genres privilégiés:

  • La fable;
  • L’oraison funèbre;
  • Le discours;
  • La poésie;
  • Le pamphlet.

Exemples:

  • Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre

Mais cette princesse, née sur le trône, avait l’esprit et le cœur plus haut que sa naissance. Les malheurs de sa maison n’ont pu l’accabler dans sa première jeunesse, et dès lors on voyait en elle une grandeur qui ne devait rien à la fortune. Nous disions avec joie que le ciel l’avait arrachée, comme par miracle, des mains des ennemis du roi son père pour la donner à la France: don précieux, inestimable présent, si seulement la possession en avait été plus durable! Mais pourquoi ce souvenir vient-il m’interrompre? Hélas! nous ne pouvons un moment arrêter les yeux sur la gloire de la princesse sans que la mort s’y mêle aussitôt pour tout offusquer de son ombre.

Ô mort, éloigne-toi de notre pensée, et laisse-nous tromper pour un peu de temps la violence de notre douleur par le souvenir de notre joie! Souvenez-vous donc, Messieurs, de l’admiration que la princesse d’Angleterre donnait à toute la cour. Votre mémoire vous la peindra mieux avec tous ses traits et son incomparable douceur que ne pourront jamais faire toutes mes paroles. Elle croissait au milieu des bénédictions de tous les peuples, et les années ne cessaient de lui apporter de nouvelles grâces. Aussi la reine sa mère, dont elle a toujours été la consolation, ne l’aimait pas plus tendrement que faisait Anne d’Espagne. Anne, vous le savez, Messieurs, ne trouvait rien au-dessus de cette princesse. Après nous avoir donné une reine, seule capable par sa piété, et par ses autres vertus royales, de soutenir la réputation d’une tante si illustre, elle voulut, pour mettre dans sa famille ce que l’univers avait de plus grand, que Philippe de France, son second fils, épousât la princesse Henriette ; et quoique le roi d’Angleterre, dont le cœur égale la sagesse, sût que la princesse sa sœur, recherchée de tant de rois, pouvait honorer un trône, il lui vit remplir avec joie la seconde place de France, que la dignité d’un si grand royaume peut mettre en comparaison avec les premières du reste du monde.

    • En quoi cet extrait relève-t-il du registre épidictique?
      Dans son oraison funèbre, Bossuet fait un portrait élogieux de Henriette-Anne d’Angleterre. Il utilise un vocabulaire mélioratif, avec notamment des adjectifs qualificatifs qui la mettent en valeur. Il donne également de l’emphase au portrait qu’il en fait, notamment en utilisant de nombreuses hyperboles pour rappeler à l’assistance tous ses mérites et  toutes ses qualités.
  • Hugo, Napoléon le Petit

Louis Bonaparte est un homme de moyenne taille, froid, pâle, lent, qui a l’air de n’être pas tout à fait réveillé. Il a publié, nous l’avons rappelé déjà, un Traité assez estimé par l’artillerie, et connaît à fond la manœuvre du canon. Il monte bien à cheval. Sa parole traîne avec un léger accent allemand.

Si on le juge en dehors de ce qu’il appelle « ses actes nécessaires » ou « ses grands actes », c’est un personnage vulgaire, puéril, théâtral et vain. Les personnes invitées chez lui, l’été, à Saint-Cloud, reçoivent, en même temps que l’invitation, l’ordre d’apporter une toilette du matin et une toilette du soir. Il aime la gloriole, le pompon, l’aigrette, la broderie, les paillettes et les passequilles, les grands mots, les grands titres, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. En sa qualité de parent de la bataille d’Austerlitz, il s’habille en général.

Peu lui importe d’être méprisé. Il se contente de la figure du respect.

Cet homme ternirait le second plan de l’histoire, il souille le premier. L’Europe riait de l’autre continent en regardant Haïti quand elle a vu apparaître ce Soulouque blanc. Il y a maintenant en Europe, au fond de toutes les intelligences, même à l’étranger, une stupeur profonde, et comme le sentiment d’un affront personnel ; car le continent européen, qu’il le veuille ou non, est solidaire de la France, et ce qui abaisse la France humilie l’Europe.

Avant le 2 décembre, les chefs de la droite disaient volontiers de Louis Bonaparte : C’est un idiot. Ils se trompaient. Certes, ce cerveau est trouble, ce cerveau a des lacunes, mais on peut y déchiffrer par endroits plusieurs pensées de suite et suffisamment enchaînées. C’est un livre où il y a des pages arrachées. Louis Bonaparte a une idée fixe, mais une idée fixe n’est pas de l’idiotisme. Il sait ce qu’il veut, et il y va. A travers la justice, à travers la loi, à travers la raison, à travers l’honnêteté, à travers l’humanité, soit, mais il y va.

    • En quoi cet extrait relève-t-il du registre épidictique?
      Dans cet extrait de son pamphlet dirigé contre Louis-Napoléon Bonaparte, Victor Hugo s’en prend violemment au dirigeant français en dressant un portrait peu flatteur de ce dernier. Le titre de son essai, Napoléon le Petit, indique déjà le mépris de l’auteur. Il n’hésite pas à employer des adjectifs péjoratifs, des comparaisons dénigrantes ou encore des antiphrases acerbes pour montrer la haine qu’il peut avoir envers Napoléon III.